Comprendre la science des systèmes complexes
Hermann Haken, né en 1923 à Leipzig, est le fondateur de la synergétique. Après des études de mathématiques et de physique, il obtint en 1960 une chaire de théorie physique à l'université de Stuttgart où il fonda un centre de recherches sur le laser. En 1962, il présenta une théorie du laser qui suscita beaucoup d'intérêt. C'est sa compréhension du principe du laser à partir d'une thermodynamique hors équilibre qui l'amena à créer la synergétique. Il chercha par la suite à appliquer la synergétique à d'autres domaines tels que ceux de la cognition et de la psychologie.
1) Définition de la synergétique
Hermann Haken conçoit en effet la synergétique comme une approche interdisciplinaire dont les champs d'application sont aussi variés que la physique, la chimie, la biologie, l'informatique, les sciences cognitives, l'économie ou la sociologie. Son but est de comprendre la transition du chaos vers l'ordre, le passage du comportement d'un grand nombre d'éléments individuels, qui ne peut être décrit que par des méthodes statistiques, à la création d'unités organisées qui se forment à partir de la coordination de leurs éléments et qui à leur tour guident le comportement de ses éléments. Il décrit ainsi son projet théorique: "la naissance spontanée de structures organisées dans des systèmes ouverts n'est pas un cas unique; elle est au contraire très répandue dans la nature et la technique. Cela m'amena à fonder un champ de recherche interdisciplinaire que je nommai synergétique et qui s'attache à l'analyse systématique des transitions du chaos microscopique à l'ordre macroscopique" (Haken 1981: 67)
La synergétique étudie les systèmes auto-organisés qui se composent de très nombreux éléments ou sous-systèmes. Elle cherche à décrire la formation de structures auto-organisées dans des systèmes comme la formation de comportements des composants du système. Pour cela, elle recourt aux propriétés particulières des systèmes dynamiques non linéaires. Dans une conférence faite à Vienne en 2003, Hermann Haken définit la synergétique: "Les lois que j'ai découvertes pour le laser ont toutefois un champ de validité bien plus étendu. Afin d'explorer celui-ci, je proposai en 1969 de fonder un domaine interdisciplinaire que je nommai 'synergétique' [...]. De manière très générale, nous étudions en synergétique les systèmes qui sont composés de très nombreuses parties individuelles qui interagissent et qui engendrent au niveau macroscopique des structures ou des fonctions. Il s'agit donc de l'exploration de l'émergence de nouvelles qualités au moyen de l'auto-organisation dans des systèmes complexes" (Haken 2004: 20).
2) Le paradigme du laser
Le modèle de la synergétique est le laser, conçu comme un système dissipatif auto-organisé. Cela tient au fait que Hermann Haken fut le premier à montrer que le laser présente une unique longueur d'onde. L'homogénéité de la lumière du laser est un fait étonnant qui ne peut s'expliquer que comme un phénomène auto-organisé. A l'opposé de cela, on devrait s'attendre à ce qu'une augmentation de l'alimentation en énergie dans un système émetteur de lumière augmente également le nombre de longueurs d'onde émises et donc aussi le désordre de la lumière laser: "C'était en fait le point de vue de nombreux physiciens. Je fus le premier (et je m'en réjouis encore aujourd'hui) à pouvoir montrer dans ma théorie du laser, qu'il se passe pour le laser quelque chose de totalement différent. Au lieu de cette pelote embrouillée apparaît une onde complètement homogène et quasiment infiniment longue. Des expériences menées par la suite dans divers laboratoires à travers le monde ont pleinement confirmé cette prédiction. Il existe donc une profonde différence entre la lumière d'une lampe ordinaire et celle d'un laser" (Hacken, 1981: 71 sq.)
3) Objectif de la synergétique
Le but de la synergétique se donne alors comme la mise au jour des principes généraux de cette émergence. Le problème fondamental de la synergétique est en effet: "existe-t-il des principes généraux indépendants de la nature des parties, qu'elles soient des atomes, des cellules nerveuses, des êtres humaines ou d'autres éléments? Au premier abord, cette question apparaît évidemment bien trop générale. Mais [...] nous pouvons réellement découvrir des principes généraux, qui existent par exemple déjà dans le laser, si nous nous limitons aux changements qualitatifs des systèmes au niveau macroscopique" (Ibid. : 21).
En d'autres termes, la synergétique étudie les relations entre les éléments d'un niveau microscopique, dont le comportement, en raison de leur grand nombre, ne peut être décrit que statistiquement, et un niveau macroscopique dont l'ordre peut décrit comme le comportement collectif des éléments.
4) Formation d'ordre, asservissement et paramètre d'ordre
La synergétique conçoit l'auto-organisation comme une alternance d'une formation d'un ordre au moyen de la synchronisation des comportements du bas vers le haut (c'est-à-dire du niveau microscopique vers le niveau macroscopique) et d'un asservissement (Versklavung), c'est-à-dire d'une adaptation des modes de comportement des composants du niveau microscopique à un ordre macroscopique du haut vers le bas. La formation d'un ordre et l'asservissement se conditionnent mutuellement. D'un côté, s'opère la formation d'un comportement synchronisé des éléments microscopiques, laquelle peut être observée au niveau macroscopique comme un paramètre d'ordre. D'un autre côté, le comportement au niveau microscopique se doit d'obéir au paramètre d'ordre.
Avant qu'un paramètre d'ordre, c'est-à-dire un modèle macroscopique dominant, se soit formé, un état symétrique et équilibré entre différents modes peut exister. L'alternance entre les composants du système et les paramètres d'ordre crée la condition de l'émergence de certains états d'ordre. La concurrence entre les différents modes aboutit à la victoire d'un des modes de sorte que l'état de symétrie est rompu (rupture de symétrie). Le mode victorieux devient alors un paramètre d'ordre auquel doivent se soumettre par la suite les composants du système. On ne peut pas toujours prévoir lequel des nombreux modes possibles va s'imposer puisque les des petites fluctuations microscopiques peuvent contribuer à la décision. On nomme bifurcation ce processus.
La synergétique rend compte de l'émergence de
Les cellules de convection d'Henri Bénard représentent une bonne illustration d'un système auto-organisé. Dans cette expérience, des structures convectives se forment en raison de la déstabilisation du milieu fluide, de la modification d'un "paramètre de contrôle". Un liquide est chauffé, ce qui a pour conséquence que le liquide chaud se meut vers le haut et le liquide froid se meut vers le bas.
Bibliographie
Hermann Hacken (1981), Erfolgsgeheimnisse der Natur. Synergetik: Die Lehre vom Zusammenwirken, Stuttgart.
Hermann Hacken (2004), Die Selbstorganisation komplexer Systeme. Ergebnisse aus der Werstatt der Chaostheorie, Vienne
Guido Strunk/Günter Schiepe (2006), Systemische Psychologie. Eine Einführung in die Grundlagen mesnchlischen Verhalten, Munich